“Ethan & Morgana„

Le sujet du devoir de photographie m'apparut comme un gros ultimatum. "Oxygène". Quoi? Comment peut-on prendre en photo l'oxygène? Je rentrai chez moi en ne pensant plus qu'à ce fichu devoir. J'adorais la photographie, mais quand j'avais des idées... Là j'avoue que rien ne me venait et ça me mettait de très mauvaise humeur. J'aurais voulu demander à Isaac mais en quoi aurait-il pu m'aider. Je m'assis sur la table et réfléchis pendant un long moment... Toujours rien. Je décidai d'appeler Ethan. Je ne sais pas pourquoi je l'ai choisi lui, j'aurais pu appeler Joseph, mais c'était à lui que j'avais envie de demander. Et puis entendre sa voix un moment...
Il se trouve que j'ai eu tout à fait raison ! L'intelligence d'Ethan me surprit. Non pas que je le trouvais bête avant hein ! Mais...un peu benêt parfois. Comme quoi il ne faut pas se fier aux apparences. J'aurais du y penser! Les arbres évidemment ! C'est grâce à eux qu'on respire. En plus il y a une forêt pas loin ! Je suis vraiment stupide parfois. Enfin ça c'était hier.
Conclusion : aujourd'hui direction la forêt! Je ne voulais pas y aller seule mais je n'osais pas demander à Ethan de m'accompagner alors imaginez ma joie quand il m'a dit qu'il venait obligatoirement. Quel gentleman! Je commençais à vraiment l'apprécier... Et j'avoue que de passer une journée dans la forêt, seule avec lui me faisait un peu peur. Mais en même temps je me sentais tout exciter. D'accord ce n'est pas comme si c'était notre la première fois qu'on se voyait nous deux, seulement d'habitude c'était au campus, au café  dans des lieux public ou plein de gens nous entourent. Là on sera vraiment seuls, perdus au milieu de la nature. C'est très romantique quand on y pense...
Avec Thanou on avait conclus de se retrouver la-bas en début d'après midi. Mais je voulais y être avant lui pour repérer un peu les lieux et m'éviter la situation très stressante d'arriver après lui et de devoir marcher jusqu'à lui en ayant ses yeux rivés sur moi. Je savais que j'aurais rougis immédiatement et que mon cœur aurait voulu sautiller partout en dehors de ma poitrine. Hors il fallait que je me contrôle. Je n'étais même pas sûre de l'intéresser alors hors de question de montrer que c'était le cas pour moi. Et puis je ne sais pas si j'étais prête. Et si je le perdais lui aussi?... Cette pensée m'arracha une grimace.Bon ! Qu'est ce que je faisais encore chez moi ! J'enfilai un t-shirt, suivis d'un autre et d'un pull. Il faisait très froid aujourd'hui. Je m'emmitouflai dans mon manteau, mes gants, mon écharpe et mon bonnet et j'étais fin prête. Je pris le soin de dire à Isaac que je partais, même si je me souvins après qu'il devait certainement bosser aujourd'hui... Oui je m'étais levée tard!
Je démarrai le moteur et pris la route, en vérifiant quand même que j'avais emmené mon matériel. Ce serait bête d'y aller sans.
Quand j'arrivai sur les lieux, Ethan n'étais pas encore là, comme je l'avais prévu. Je sortis de la voiture pour me repérer un peu. C'était vraiment très vaste et assez intimidant. je n'aurais jamais pu y aller seule en y repensant. Je décidai de ne pas m'éloigner de la voiture finalement. Je vais attendre Ethan sagement ici.
Quand j'étais petite Papa et Maman ne voulait pas que j'aille dans la forêt. Je crois que je n'y suis allé que quelques fois avec eux. Ils disaient que c'était dangereux et qu'il fallait être très prudent. Je n'y avais pas vraiment pensé en fait... Je pensais juste à passer l'après midi avec Ethan , et à obtenir une bonne note par la même occasion. Je me demande s'il vient parce qu'il s'y sent obligé ou parce qu'il en a envie...
En fait, je n'eus pas le temps d'attendre beaucoup. Un bruit de moteur m'extirpa de mes pensées. Il a sans doute voulut arriver en avance. Eh non raté. Je ris discrètement. Je ne distinguais pour l'instant qu'une silhouette qui marchait dans ma direction.
Le rythme de mon cœur se fît plus rapide à mesure que les pas avançaient.

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“Ethan & Morgana„

J'étais un peu nerveux. Normal, j'allais me retrouver seul avec la fille qui hantait mes nuits et mes pensées. Et ça, c'était un truc complètement inédit. En règle générale, on se voyait dans des lieux publics, avec des amis. On ne s'était jamais vraiment retrouvés en tête à tête. Et cela n'était pas sans me faire penser à mon rêve... un rêve torride, qui m'avait laissé un horrible goût d'inachevé quand mon idiot de chien m'avait réveillé à grands coups de langue baveuse... Je n'avais pas souvenir d'avoir rêvé d'une fille de cette façon... Je m'étais réveillé complètement frustré. J'en voulais plus d'elle. Plus que quelques moments volés tous les deux et jamais seuls... Alors forcément quand elle m'avait appelé pour me parler de son devoir de photo, j'avais été pris d'une soudaine inspiration. L'oxygène... Les arbres donc. J'étais ravi qu'elle me demande mon avis, je n'étais pas forcément un artiste. Pas du tout en fait, même si je faisais semblant de m'intéresser à la photo pour être davantage avec elle. Finalement, cela avait porté ses fruits. Et j'étais encore surpris de mon propre éclair de génie.

Parce que cela sous entendait que nous allions nous retrouver seuls tous les deux. Il était évidemment hors de question que je la laisse se rendre dans les bois en solitaire. Je ne lui avais même pas demandé son avis en fait. Je m'étais imposé tout naturellement et elle avait accepté aussitôt. Tant mieux, je me voyais mal faire du forcing pour lui imposer ma présence. Ce moment tous les deux aurait mal commencé si ma présence l'avait dérangé...

Quand l'heure approcha, j'enfilais des vêtements chauds, ce n'était pas le moment de tomber malade, je ne pouvais pas me payer le luxe de ne pas venir travailler. Cela aurait compromis toutes ces années de labeur acharné. Et j'étais trop prêt du but pour cela. Depuis que j'avais entamé mes études de médecine, j'avais mis ma vie un peu entre parenthèses. J'avais énormément bûché. Être accepté à l'école avait été une surprise et un honneur et au prix des études, je ne pouvais pas me permettre d'échouer ? J'avais causé assez de tracas à mes parents, surtout à ma mère, il était temps d'être enfin reconnaissant.

Et je leur avais tous prouvé que je n'étais pas juste un sale gosse en rébellion. Cela avait été long, un chemin semé d'embûches, mais finalement, je pouvais être fier de moi désormais. Je montai dans le 4X4, roulais vers la forêt, avant de me garer. Mon rythme cardiaque s'était étrangement accéléré alors que j'avais des crampes dans l'estomac. Des signes de stress évident, alors que c'était totalement stupide. Il n'y avait vraiment pas de quoi se mettre dans un état pareil, ce n'était sûrement pas un rendez-vous galant. Nous allions prendre des photos, rien de plus... Non mais sérieusement, qui j'essayais de convaincre là ? Évidemment que c'était une sorte de rendez-vous, même si je refusais de le considérer ainsi.

Je me garais et sortis de la voiture. Morgana était déjà là, elle m'attendait. Je hâtais un peu le pas pour la rejoindre rapidement. Pourtant, j'étais certain d'être en avance. Je ne voulais pas la faire attendre. Mais elle m'avait devancée.

« Salut ! J'espère que je ne t'ai pas fait attendre trop longtemps. Tu fais mentir l'adage comme quoi les filles sont toujours en retard. »

Je souris, cachant bien mon léger malaise. C'était un peu étrange, parce que je me sentais bien prêt d'elle. Je me sentais complètement idiot quand j'étais en sa compagnie. Pataud. C'était vraiment bizarre. J'étais pas comme ça d'habitude.

« Tu as déjà une petite idée de la façon dont tu vas t'y prendre ? »

Je ne connaissais vraiment pas grand chose à la photo. Je savais qu'il fallait une bonne luminosité, qu'on ne prenait pas une photo n'importe comment, il fallait un certain cadrage, une exposition... Ce n'était pas juste prendre des arbres et fin du devoir.

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“Ethan & Morgana„

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“Ethan & Morgana„

La journée promettait d'être plus qu'agréable. Même s'il y avait une sorte de retenue entre nous ; un léger malaise alors que l'ambiance était électrique. Je fis mon approche sur une note d'humour, la meilleure façon pour moi d'être le plus à l'aise possible et ris à la réponse de Morgana concernant les clichés. Je ne devais pas oublier que si nous étions là, ce n'était pas pour flirter (quoique, cette perspective s'était imposée à mon esprit sans que je ne puisse rien y faire), mais pour prendre des photos pour son devoir. Étant donné que j'avais l’œil artistique d'une chaussette, je m'étonnais moi-même d'avoir trouvé une si bonne idée. Cela dit, maintenant que j'étais sur le terrain, je ne savais absolument pas ce qu'il fallait faire. Prendre des photos, bien sûr, mais pas n'importe comment ni de n'importe quoi. Je supposais qu'il ne suffisait pas de prendre quelques clichés à l'arrachée.

La jeune femme me remercia pour l'idée et pour être venu, m'avouant qu'elle ne se serait jamais risquée dans les bois toute seule. En même temps, j'aurais été complètement con et inconscient de la laisser le faire. L'air de rien, c'était un brin dangereux la forêt en Alaska. Il y avait toutes sortes de bêtes sauvages plus ou moins amicales. Même si ils avaient plus peur de nous que nous d'eux. Normalement, on ne risquait rien, à moins de tomber sur l'exception qui confirme la règle, à savoir une bestiole assez affamée ou agressive pour venir nous emmerder. J'espérais que non, parce que je n'avais rien pour repousser une attaque. Mieux valait ne pas penser à ça en fait.

« Ce n'est pas être trouillarde, c'est être prudente. Je ne t'aurais pas laissé y aller seule de toutes façons. »

On ne savait jamais ce qui pouvait arriver. Une chute avec impossibilité de marcher. Une rencontre inopinée, un malaise... Tout et n'importe quoi. Et puis allez, ce n'était pas que mon esprit chevaleresque qui m'avait poussé à venir, il fallait être honnête. C'était une occasion en or surtout. Alors je demandais à Morgana si elle avait prévu quelque chose pour la suite des opérations. Elle ne répondit rien, se dirigeant vers sa voiture, avant de me répondre qu'elle devait prendre son appareil avant toute chose.

« Ah oui, ça risque d'aider effectivement. »

Après, il fallait une bonne lumière. Oui sans doute. Pour ça, je lui faisais confiance, je n'avais aucune compétence en la matière. Même si je faisais plus ou moins semblant pour elle. Elle m'enjoignis d'ouvrir la marche et je souris.

« Ne t'éloigne pas trop quand même. »

Je préférais la savoir à un mètre derrière moi, qu'à dix. Alors soit, je me mis en route, Morgana dans mon dos, même si je me retournais souvent pour voir si elle suivait et si elle ne s'était pas mystérieusement arrêtée pour prendre un cliché sous une inspiration subite. Nous étions silencieux l'un et l'autre. Je me concentrais sur mes pas, prenant garde à ne pas trébucher sur un truc. Avec la neige, ce n'était pas forcément évident. Il fallait admettre que le coin était plutôt romantique avec les rayons du soleil qui filtraient à travers les frondaisons et se reflétaient dans la neige. Il y avait un silence reposant. Certains auraient pu le qualifier d'inquiétant, mais je n'étais pas angoissé par cette petite promenade.

Et puis un cri rompit le silence et je me retournais vivement en reconnaissant la voix de Morgana. Qui d'autre pouvait hurler si près de moi de toutes façons ? Elle n'était plus derrière moi et je rebroussais chemin en hâte, le cœur affolé.

« Morgan ? »

Je vis la neige tassée et suivis les traces pour remarquer la jeune femme quelques mètres plus bas. Elle avait du dévaler la légère pente en trébuchant.

« Oh merde ! »

Je m'empressais de la rejoindre, glissant à moitié moi aussi, avant de me retrouver accroupi à ses côtés à la vitesse de l'éclair, le cœur au bord des lèvres.

« Morgan, ça va ? Tu as mal quelque part ? »

Ah ben génial. Elle sortait avec moi et en moins d'une heure, je l'envoyais aux urgences parce que je n'avais pas été foutu de veiller sur elle. Mais quel crétin inutile franchement !

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“Ethan & Morgana„

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“Ethan & Morgana„

C'était bien ma veine ça. Je me retrouvais seule avec Morgana et voilà qu'elle arrivait à se casser la figure en pleine forêt, voire à se faire mal. J'espérais que ce n'était pas trop grave, mais j'étais tout de même inquiet, alors que je me précipitais vers elle pour m'assurer que tout allait bien. Et si elle se fracassait le crâne ? Ou si elle se fracturait quelque chose ? On était un peu au milieu de nulle part quand même ! Heureusement, elle était consciente, même si elle s'était cognée la tête. Elle se toucha le crâne avec la main, et je pris délicatement sa nuque entre mes doigts, passant ma propre main à l'arrière de sa tête, m'assurant qu'elle ne s'était pas ouverte le crâne. Heureusement que non, mais elle allait sûrement avoir une joli bosse.

« Heureusement, ce n'est pas une plaie ouverte, mais tu vas être bonne pour un joli œuf. Attends, je vais mettre de la glace dessus, ça évitera un œuf d'autruche. »

Je pris une poignée de neige dans ma main pour appuyer sur la tête de Morgana, toujours avec précaution. Elle me fit des excuses et je soupirais.

« Mais non, ça arrive les accidents. Te tracasse pas avec ça. Le principal, c'est que tu n'ai rien de grave. »

Elle secoua alors doucement la tête, non sans grimacer et échapper ainsi à mon contact, me recommandant de ne pas rester dans la neige au risque d'attraper froid.

« Je pense que je survivrais. »

Mais Morgana ne semblait pas encline à rester tranquille le temps de se remettre de ses émotions. Je voyais bien qu'elle essayait de faire bonne figure ! Je ne lui en aurais pourtant pas voulu de vouloir souffler cinq minutes. Je lui laissais donc un peu d'espace pour se lever, non sans être prêt à l'aider si elle vacillait. Elle grogna légèrement en voulant se relever, mais ne quémanda pas mon aide. Du moins, pas tout de suite. Mais cela ne tarda pas, alors qu'elle me la demandait en m'affublant d'un petit diminutif que me servait ma famille.

« Thanou... Mince, ça se répand. »

Elle se rattrapa bien vite, mais la bourde était faite. Et je devais avouer qu'elle était craquante avec cet air gêné et ses joues rosées.

« D'habitude, je râle quand on m'appelle comme ça, mais venant de toi, ça ne me dérange pas. »

Je toussotais pour m'éclaircir la gorge, vaguement gêné moi aussi, alors que je l'aidais à se lever avec précaution, la tenant fermement. Je la sentais vacillante, mais elle me devança en parlant de fourmis dans les jambes.

« Ben voyons. Morgan, tu oublies que je suis étudiant en médecine ? Tu crois que tu peux me berner ? »

Ah ces filles... Elles pouvaient être si têtues ! Elle décida qu'il était mieux de se remettre au boulot et je la laissais m'échapper encore une fois. Dommage, j'aimais bien qu'elle soit contre moi, qu'elle ai besoin de s'accrocher à moi. C'était agréable. Vraiment très agréable. J'émergeais de mes pensées quand elle me fit remarquer que j'étais sur ses clichés.

« Oh désolé. »

Cela ne sembla pas la gêner outre mesure alors qu'elle ajoutait que les photos étaient parfaites, même si elle devait en prendre d'autres, sans moi. Je voulus m'écarter un peu, avant qu'elle ne m'interpelle.

« Oui ? »

Bizarrement, mon cœur s'emballa. C'était idiot, parce qu'elle allait sûrement me dire un truc banal, au sujet de son projet photo, ou me remercier. Mais j'avais tellement envie d'entendre certaines paroles. Qui ne vinrent pas, alors qu'elle parlait d'un truc dans mes cheveux, approchant pour m'enlever je ne sais quoi, se retrouvant ainsi toute proche de moi. Il existait une tension palpable entre nous. J'avais l'impression d'étouffer en me retrouvant si proche. Et mon regard qui accrochait le sien le lâcha pour descendre vers ses lèvres entrouvertes qui semblaient attendre qu'on s'en saisisse.

En cet instant, j'avais une envie folle de l'embrasser.

Et ma raison bataillait avec mon envie. Et si cela lui faisait prendre peur et qu'elle ne voulait plus me voir en me prenant pour un pervers qui profitait d'une excursion dans les bois et de sa vulnérabilité pour assouvir ses pulsions, hein ?

« Euh... Merci. »

Je me sentais crétin, mais crétin... A un point non imaginable. Je fermais un instant les yeux et me reculais avec difficulté. Et sans prévenir, je glissais mes bras sous son dos et ses genoux pour la porter, l'arrachant au sol.

« Je vais examiner ta cheville et je t'interdis de m'en empêcher. »

Je la déposais sur une souche pas trop neigeuse non loin de là et m'assis à côté d'elle, prenant sa jambe et commençant à tirer sa botte. Il fallait que je m'occupe, que je me raccroche à quelque chose de concret pour ne pas céder à la tentation. Soigner, ça, je savais faire. Embrasser une fille qui faisait douloureusement monter le désir en moi, c'était bien plus compliqué.  

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“Ethan & Morgana„

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“Ethan & Morgana„

La situation avait un petit quelque chose d'irréel. On étais seuls en pleine forêt, elle avait voulu me dire quelque chose, mais s'était ravisée au dernier moment et moi... Et bien comme un con, je n'avais rien fait non plus alors que je mourrais d'envie de l'embrasser. Et maintenant, je me retrouvais avec une Morgan blessée parce que je n'étais pas resté à côté d'elle pour la rattraper en cas de chute. Et nous étions aussi gênés l'un que l'autre. Enfin, moi au moins, je pouvais le dissimuler en m'occupant de sa cheville. J'endossais le rôle de l'interne et du coup, mes émotions se retrouvaient canalisées, masquées par le savoir faire. Là, j'étais en terrain connu et c'était presque reposant de ne pas avoir le cœur qui papillonne comme si je n'étais qu'un adolescent en mal d'amour.

Mais en fait, j'étais un adulte en mal d'amour.

Morgana me remercia en bafouillant alors que je lui interdisais de refuser que je l'examine, se rattrapant de justesse alors qu'elle allait m'appeler Thanou. Je n'aimais définitivement pas ce sobriquet qui diminuait méchamment ma virilité, mais venant d'elle, cela me dérangeait moins. Cela créait une certaine intimité entre nous et ça ne pouvait que me plaire n'est-ce pas ? Je relevais les yeux vers elle, me sentant fondre alors qu'elle m'offrait un sourire éblouissant. Mon cœur s'emballa et je sentis tout mon assurance qui se faisait joyeusement la malle tout à coup. Je m'éclaircis la gorge et m'occupais de sa cheville, la mettant à nu avec une concentration qui n'en demandait sûrement pas autant. Je manipulais l'articulation avec douceur, sensible à ses grimaces ou sa douleur, avant qu'elle ne rompe le silence en me demandant si cela était grave. Je souris, relevant les yeux vers elle.

« Je ne pense pas que cela soit cassé. Une petit entorse. »

Aussitôt, Morgan s'inquiéta d'avoir une atèle et des béquilles, avant de s'inquiéter de mon avis.

« Bien sûr que non, je suis un professionnel ! Un straping devrait suffire et du repos pendant une paire de jours, je ne pense pas que ce soit une grosse entorse, ne t'en fais pas. »

Je souris tout en lui disant cela. Comme si j'allais me moquer d'elle... Je pouvais la charrier gentiment, mais pas quand je voyais que cela pouvait la peiner ou la blesser, naturellement. Une chute, ça arrivait à tout le monde. Heureusement, elle s'en sortirait avec plus de peur que de mal. Et si elle avait été toute seule ? Je n'osais même pas l'imaginer. C'était de la folie que d'aller en forêt seul, qu'on soit un homme ou une femme. Le portable ne passait pas forcément. Et Morgana venait de prouver qu'on n'était à l'abri de rien. Elle reprit de plus belle, s'excusant encore, avant de me considérer comme un super héros.

« Oh non, tu exagères là... Et puis, je porte mal le collant et le slip par dessus. »

Mais déjà Morgana me sautait au cou, me pétrifiant un instant, avant que sa proximité ne fasse monter le désir en moi de façon un peu indécente. Pourtant, je refermais mes bras autour d'elle par réflexe, savourant ce contact intime... Et en voulant plus naturellement. Mais trop vite, elle s'échappa, s'excusant de son impulsivité.

« C'est l'effet super héros ça. »

J'essayais d'alléger l'atmosphère, prenant cela avec un certain détachement que j'étais loin de ressentir. Mais Morgana n'avait pas fini de jouer aux montagnes russes avec mon cœur, alors qu'elle se lançait, m'ouvrant son cœur et me faisant part de ses craintes. La perte de ses parents qui l'avait fait souffrir et impliquait une peur de s'engager, de s'attacher. Je pouvais comprendre, moi aussi j'avais perdu un être cher. Même si je n'avais pas les mêmes craintes qu'elle. Je restais muet, ce qu'elle interpréta sans doute de travers, tellement elle était nerveuse. Et cela se confirma dans ses paroles. Allez Ethan, merde, réagis, dis quelque chose, tu vas laisser passer la chance de ta vie. Elle était toute proche et elle attendait quelque chose. Ma peur me donnait envie de reculer... Mon envie... Impulsivement, je pris son visage entre mes mains et baisais ses lèvres, avec une certaine impatience, peut-être un brin de maladresse due à la fébrilité et à la peur. Mais c'était ridicule, elle venait de me faire comprendre qu'elle m'aimait bien, non ? Je n'avais pas mal interprété ses paroles quand même... Je l'embrassais longuement, goûtant ses lèvres, sentant le sel de ses larmes. Je cessais le baiser, appuyant mon front contre le sien, tout en murmurant :

« Oh non, c'est moi qui ai failli tout gâché. Je ne pense pas supporter de ne plus te voir. Non, en fait j'en suis certain. Je n'ai qu'une envie : c'est de passer du temps avec toi. »

Je souris, l'embrassant de nouveau, plus légèrement cette fois.

« Désolé, on va remettre cette petite séance photo à plus tard, je vais t'emmener aux urgences pour être sûr qu'on ne passe pas à côté de quelque chose et je te ramènerais chez toi, d'accord ? »

Je récupérais sa botte et sa chaussette, avant de sourire malicieusement et de lui tourner le dos :

« Allez hop, grimpe. »

Je l'y aidais, avant de marcher jusqu'à la voiture et de l'emmener à l'hôpital. Pas tout à fait ce que j'avais prévu en venant avec elle... Mais finalement, j'avais presque envie de siffloter alors qu'elle était sur mon dos, ses bras noués autour de mon cou et sa tête reposant contre mon dos. J'avais encore le souvenir de son baiser qui me brûlait les lèvres. C'était égoïste, parce que s'était blessée, mais c'était une bonne journée finalement !
 

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