✦ On voyage.
Quatre ans que cela durait, qu'on filait le parfait amour. Qu'on le cachait surtout. Je ne pouvais même pas dire être heureux, il y avait quelque chose qui me manquait. Nous créer une vie ailleurs et oublier nos fichues relations entre professeur et élève peut-être. La neige me déprimait, la pression constante de mes parents qui commençaient à m'oppresser pour comprendre pourquoi j'étais toujours apparemment seul. J'aurais voulu tout révéler, mais c'était impossible. Et d'un coup de tête, j'ai tout quitté. Enfin, j'ai été légèrement influencé par cette petite brune, Astrid, qui était ma voisine, et aussi une gamine que je connaissais depuis qu'elle était bébé. Elle était plus comme une petite sœur qu'une amie, et relativement plus censée que moi sur certains points. Le jour où j'ai fait mes valises, c'était deux heures après qu'elle m'ait regardé dans les yeux et dit une chose. « Elle te ralentit et t'empêche de vivre, tu serais mieux sans elle. Tu penses que tu ne peux pas t'en passer, mais est-ce que tu as déjà au moins essayé ? Allez Oswald, réagis. Tu voulais quitter Barrow... » Alors je suis parti oui. Direction Seattle, les États-Unis. Je n'étais même pas seul en arrivant, Astrid ayant décidé de venir continuer ses études dans la même ville. Étrangement. Pourtant je ne m'en plaignais pas, j'étais ravi de l'avoir avec moi. C'était un peu la promesse d'une vie plus agréable. Pas de neige, pas d'ours blanc, de la civilisation, absolument tout ce dont j'avais besoin à portée de main, et un vrai lycée digne des films américains. Oui, je m'y plaisais.

✦ On réalise.
J'étais libre aussi. Dans un premier temps, j'avais réussi à me sortir Nausicäa de la tête. J'avais quelques aventures d'un soir, ne me gênait pas pour draguer de jolies jeunes femmes sans que l'image de mon désormais ex petite-amie ne vienne me hanter. Je n'avais aucun remord. Je faisais ce que je voulais quand ça me chantait. Je profitais de tout ce que Barrow n'offrait pas. Qui plus est, j'étais relativement apprécié en tant que professeur, malgré mon attitude distante avec les étudiantes. Je ne voulais plus retomber dedans. Astrid me félicitait souvent, vantant cet homme que j'étais depuis que j'avais quitté Barrow. Elle me menait littéralement à la baguette, mais je ne m'en apercevais pas. Je ne vis pas non plus ses tentatives subtiles pour se rapprocher de moi, je ne vis pas le tour venir quand elle poussa son jeu de séduction jusqu'au bout. Jamais je n'aurais pu penser qu'il se passerait quelque chose entre nous. Énième erreur que je puisse faire, je lui cédais juste le temps d'une nuit. Le lendemain, submergé par la honte, je décidais de tout ignorer de ce rapprochement charnel qui ne se reproduirait plus jamais. Je ne la laissais plus trop s'approcher et se montrer câline, repoussant ses avances quand elles arrivaient. Il lui fallu plusieurs jours pour réaliser que malgré tous ses efforts, je ne serais jamais sa propriété. Elle ne s'octroierait jamais la place que j'avais offert à Nausicäa dans ma vie. D'ailleurs, je commençais à y voir un peu plus clair sur la vraie raison de mon départ. Astrid m'avait conté monts et merveilles, tout ça pour m'avoir pour elle. Comme un con, j'avais suivi. Étrangement, tout entrain de vivre à Seattle m'avait quitté.

✦ On subit.
Je comptais partir, rentrer à Barrow. J'en avais l'intention. Mes sacs étaient déjà bouclés. Cela faisait presque cinq ans et demi que j’étais parti, et c'était ça de trop. Autant de temps à m'apercevoir que j'avais été dupé, j'étais vraiment le dernier des imbéciles. Elle avait choisit ce moment pour venir toquer à ma porte. J'aurais voulu la renvoyer sèchement, sauf qu'il y avait un problème. Son tempérament ne semblait pas changé, mais quelques ecchymoses barraient son visage. Elle avait la peau extrêmement fine et aurait pu se faire ça en tombant et en se cognant fortement... ou alors elle s'était faite frappée. Par qui ? Je n'avais même pas cherché à savoir. Devant mon désintérêt et mon envie de partir qui ne cédait pas, la situation est vite partie en vrille. Enragée, elle commença à me gifler, à m'insulter de tous les noms. De quoi vexer mon orgueil. C'était à qui crierait le plus fort finalement. Mais chez elle, ce n'était plus de la haine. Juste de l'hystérie. Ensuite, je n'ai pas tout compris. La porte s'est ouverte à la volée pour laisser entrer trois policiers armés alors que je maintenais fermement Astrid contre le mur dans l'intention de lui remettre les idées au clair. Là, elle a fondu en larmes. Je ne sais pas ce qui a été imaginé, ce qui a été dit. Et même après m'être défendu de toutes les manières possibles et imaginables, je me retrouvais avec un procès au cul. Cette garce ne voulait pas démentir les accusations qu'elle lançait contre moi. J'étais sur le fil du rasoir, payais une fortune en frais de justice pour espérer ne pas finir derrière les barreaux pour des mensonges. Elle me tenait de la sorte. Cela dura un an, un an de face à face avant qu'elle ne baisse la tête. Tout ce bordel était terminé.