Il faisait encore nuit lorsque doucement et sans bruit je quittai la chaleur du corps d'Elsa pour affronter le froid qui m'attendait hors de nos draps. Encore à moitié endormis je rejoignais la cuisine pour me préparer un petit-déjeuner rapide et l'engloutir encore plus rapidement. J'avais l'habitude de prendre une douche le matin – parfois Elsa me rejoignait- mais aujourd'hui de peur de la réveiller, j'hésitai. Je lui avais prévu une surprise pour le fameux jour des amoureux, et pour garder la chose plus secrète j'avais l'intention de ne pas la croiser de la journée. Premièrement ça permettrai de garder un certain 'suspens' ou plutôt 'mystère' et deuxièmement ça nous évitera un 'accrochage' -qui gâcherait le romantisme de la journée.  

Ces derniers temps nos 'accrochages' étaient plus fréquents. En réalité je n'arrivais pas à savoir si on s'engueulait depuis qu'on s'était fiancés ou depuis le retour de ce maudit O'Toole. Peut-être que c'est simplement un mixte des deux ? Mais entre nous je ne crois pas trop à cette version. Elsa et moi filions le parfait amour durant presque trois ans ! Nous avions jamais vraiment traversé de 'crises'. Il y a toujours eu les O'Toole, ces meilleurs amis, mais après le départ d'Oney j'ai cru ne plus avoir à m'inquiéter des deux irlandais.
Pourtant, récemment tout s'est enchaîné...On s'est fiancés et comme par hasard Oney est revenu...Pourquoi ? J'en sais rien et je m'en contre fout. La seule chose que je veux, c'est qu'il oublie Elsa, lui et son maudit frère. J'ai pendant des années fait des efforts, pour ma chérie, prenant sur moi, acceptant leur présence trop... trop constante. J'ai fais comme si je ne voyais pas leur petit jeu, comme si je n'avais pas compris qu'ils l'aimaient. Mais je n'ai jamais été dupe. J'ai seulement pensé qu'après nos fiançailles tout ça serait terminé. Mais au lieu de supprimer le problème, je crois avoir mis le feu aux poudres...Accélérant le processus .
C'est à cause d'eux qu'on se dispute...Même si en soit nos engueulades portent sur des choses de la vie courante, je sais et elle  le sait aussi certainement, que le fond du problème c'est eux! Je ne peux pas lui interdire de les voir, ça ne ferait que d'accentuer notre mésentente, et de toute façon elle ne m'écouterait pas et elle continuerait quand même à les fréquenter.

C'est un peu pour ça que j'avais envie de fêter correctement cette St Valentin. On repartirait enfin sur de bonnes bases. Je voulais lui faire oublier nos disputes – si puériles soient-elles-  et lui rappeler pourquoi on s'aime, pourquoi je l'aime.

Je sortis un petit billet sur lequel je m'appliquais à écrire de manière lisible ses quelques mots :« Rendez-vous à la zone de stockage après ton boulot. Fais-toi belle. Je t’aime. » Je laissai le billet sur la table, elle le trouvera quand elle prendra son petit-déjeuner.
La zone de stockage n'était que le début de ma surprise, parce qu'en soit, si mon cadeau c'était seulement mettre un cadenas gravé à nos noms sur un grillage...Le billet venait de lui dévoiler la surprise...Tout le monde à Barrow était au courant de l'idée qu'avait eu la maire en transformant la zone de stockage en notre Ponts des Arts à nous, et Elsa ne dérogeait pas à la règle.
Je m'habillai rapidement, rangeai ce que j'avais sorti pour déjeuner et quittai la maison. Aujourd'hui, je ne donnais que deux heures de cours et je n'en suivais aucun. J'aurai donc tout le loisir de me préparer – et préparer sa surprise- pour cet après-midi. J'espérais juste que tout serait prêt à temps. C'était ma plus grosse hantise...Ça et aussi oublier quelque chose.
En début d'après-midi, j'étais repassé chez nous, sachant pertinemment qu'Elsa serait à son travail, afin de m'assurer des derniers préparatifs, de prendre ma douche – cette fois pas l'excuse d'avoir peur de la réveiller- et de m'apprêter de mon costume. En quittant la maison, je m'assurai de n'avoir rien oublier, non, le cadenas était dans ma poche, ainsi que les enveloppes.

En roulant en direction du lieu de rendez-vous, la fameuse boule à l'estomac fit son apparition. Le stresse montait un peu... J'avais un peu peur de sa réaction, mais au fond il n'y avait pas de quoi avoir peur, non ?
Je garai mon Audi au bord de la route et rejoignis le fameux grillage où de nombreux cadenas trônaient déjà. Il ne me fallu pas longtemps pour repérer la silhouette de ma belle blonde. Un sourire au coin, le stresse complètement dissipé, je m'approchai de ma fiancée sur de moi. La prenant délicatement par les hanche, je m'apprêtai à l'embrasser dans le cou lorsqu'elle eu un mouvement de recul. Je ne pu m'empêcher de rire légèrement «  Je t'ai fais peur !? » Elle se tourna et nous étions désormais face à face, j'en profitai pour l'embrasser tendrement avant de lui chuchoter dans l'oreille « Joyeuse Saint Valentin, princesse ». J'avais pris ses mains dans les miennes avant de lui sourire -moqueur- encore une fois « T'as cru que j'avais oublié? »

Elsa semblait légèrement tendue et après m'être légèrement moqué de sa réaction lorsque je l'avais surprise en arrivant par derrière, elle rétorqua « Tu aurais préféré que je ne réagisse pas comme si n’importe qui pouvait me toucher comme ça ? » Non en effet, elle n'avait pas tord. Je ne veux que personne d'autre à part moi ait l'honneur de la toucher, de la caresser, de goûter à ses douces lèvres sucrées. Je l'aimais plus que tout et je ne comptais en aucun cas la partager.
Je ris une seconde fois avant de hocher la tête de gauche à droite.

« Ah ça non ! Personne n'a le droit de te toucher à part moi. » Je tentai de dissiper la tension apparente en l'embrassant tendrement avant de lui chuchoter une joyeuse Saint Valentin. Elle m'imita en et comme il lui arrivait parfois elle m'appela 'son amoureux'. C'était tellement enfantin, mais tellement adorable. J'aimais lorsqu'Elsa adoptait cette attitude de jeune fille candide, ça la rendait plus...Plus fille. Parce que avouons-le, lorsque nous nous étions rencontrés, Elsa était loin d'être la fille la plus girly. Au contraire c'était un vrai garçon manqué...Mais avec le temps elle s'adoucit et j'adore ça. « C’était donc toi, l’homme mystère du petit mot sur ma table ce matin ? » Je feintai de ne pas comprendre où elle voulait en venir, fronçant les sourcils et tordant légèrement la bouche, comme si j'étais en train de réfléchir. « Oui...Ça doit sans doute être moi. » Continuant dans notre petit jeu, je lui demandai si elle avait vraiment cru que je l'avais oubliée. Ce à quoi elle répondit sur un ton taquin qu'elle avait été déçue de mon départ matinal mais que le mot – qu'elle n'avait faillit pas voir- l'avait rassurée. Oh elle exagérait un peu, non ? J'avais fais exprès de le mettre en évidence, ça aurait été trop bête que je prépare tout ça et qu'elle ne vienne pas. M'enfin c'est Elsa, elle n'a jamais été très observatrice, que ça soit pour trouver mes petits mots...Ou pour se rendre compte que des garçons l'aiment...Mais dans ce dernier cas, c'est plus problématique. Parfois j'aimerais vraiment qu'elle arrive à ouvrir les yeux. Qu'elle sorte de son monde idyllique ou les O'Toole et elles ne sont 'que' des amis. J'aimerais qu'elle se rende compte à quel point ils sont nocifs pour elle, mais surtout pour nous. Lorsqu'elle aura compris ça, je suis certain que tout ira mieux dans notre couple...
« C’est bizarre comme fête non ? Je ne l’avais jamais fêté avant d’être avec toi, tu peux être fier ! Avant j’étais coincée entre Oney et Swee à regarder des films d’horreur et à cracher sur ces couples amoureux… » Et voila... Même le jour qui -normalement- ne devrait être consacré qu'à nous deux, elle arrive encore à remettre sur la table Oney et Sweeney. Sérieusement !? Elle sait que je ne peux plus les voir en peinture ces deux là...Surtout depuis que l'autre est revenu...
J'entends des gens parler sur mon couple, sur Elsa, sur le fait que plusieurs hommes lui tournent autour, que nos fiançailles ne sont qu'une rigolade. Ca me ronge...Même si j'essaie de ne pas le montrer. De toute façon ça fait longtemps que je sais que les O'Toole lui tournent autour...Qu'ils continuent, ils finiront par avoir le tournis et laisseront en paix ma belle blonde. Elle a fait son choix et c'est ce qui compte à mes yeux. Même si les deux irlandais m'insupportent, je sais qu'elle m'aime et qu'elle ne me trompera pas. Après tout une véritable relation est basée sur la confiance, non ? Je ne trahirai pas Elsa et c'est réciproque.

Je restai muet, ne rebondissant pas sur ce qu'elle venait de dire. J'avoue, j'étais légèrement déçu que le blonde face référence aux O'Toole, gâchant un peu par la même occasion le moment qu'on était entrain de partager.
Les beaux yeux d'Elsa me quittèrent un instant pour aller se perdre dans la foule, cherchant du regard quelque chose ou quelqu'un. Lorsqu'elle reposa ses yeux de biches sur moi elle rougit légèrement. « Tout va bien ? »
Elsa m'attira vers le fameux grillage, reprenant le ton enjoué que nous avions adopté quelques secondes auparavant, tentant ainsi de rapidement me faire oublier le léger 'malaise' qu'elle semblait avoir eu à l'instant. « Alors je suis désolée, mais je n’avais pas prévu de cadenas, j’espère pour toi que tu en as un ! » J'avoue, j'aurais pu essayer de savoir ce qui l'avait perturbée...Mais bon ce n'était peut-être rien et de toute façon, j'avais décidé qu'aujourd'hui il n'y aurait pas de dispute. J'adoptai donc la même attitude qu'elle et comme si de rien n'était, je passai à autre chose. « Bah justement puisque tu en parles... » je feintai la gêne, et me passai la main derrière la nuque. « Comme un imbécile j'ai fais gravé deux cadenas... » Gardant le suspens je fis une petite pause, faisant la moue « Je trouve ça nul de mettre deux cadenas à notre nom sur le même grillage, non ? Alors bon...Je me suis dis que ça serait cool d'aller le mettre ailleurs, histoire de ne pas l'avoir fait graver pour rien » Je lâchai la main de ma chérie pour ouvrir mon manteau et y prendre dans ma poche intérieur les deux enveloppes. Deux billets d'avion pour la ville des amoureux, Paris. Mon père m'avait beaucoup aidé financièrement pour préparer ce cadeaux...Les billets ne sont pas donnés, j'ai galéré avec les passeports puisque je devais tout caché à Elsa... Mais peu importe, rien n'est trop beau pour elle...et pour l'éloigner un long week end des O'Toole.
Ca c'était aussi une de mes motivations... En trois ans de vie de couple, je ne me souviens pas avoir passé plus d'un jour où Elsa n'a pas été rendre visite à Sweeney... Et lorsqu'elle n'allait pas voir cet homme des cavernes, elle écrivait une lettre à Oney. Bref... Ils ont toujours été présents...Et partir à Paris nous permettra de nous retrouver en tête à tête...Enfin ! « Ca te dis d'aller déposer le deuxième cadenas sur le Pont des Arts ? » J'avais essayé de prononcer le fameux nom du pont avec un accent français...pour faire plus chic...Mais en vrai je crois que c'était un peu loupé.

J'aimais la voir s'impatienter, la voir trépigner. Elle se moqua de moi lorsque je lui avouai que j'avais fais gravé deux cadenas, mais je savais qu'au fond elle se doutait de quelque chose. Non, je n'allais pas tout lui dévoiler maintenant, je voulais laisser le doute planer, je voulais nourrir son impatience, voir ses yeux pétiller encore quelques instants avant de lui dévoiler son cadeau. Parce qu'après tout, ce qu'il y a de plus beau dans une surprise, c'est l'instant avant de savoir ce qui nous attend. C'est l'excitation. C'est notre imagination qui est en effervescence. Et je crois pouvoir avancer une chose : Même si Elsa a une imagination débordante, je ne crois pas qu'elle oserait s'imaginer que je pourrais lui offrir ce genre de cadeau. Pourquoi? Eh vous connaissez beaucoup de gens qui offre un week end prolongé à Paris à leur chérie ? Surtout en connaissant la petite crise que notre couple traverse.
Paris sera un moyen pour Elsa et pour moi de nous souvenir pourquoi on s'aime, pourquoi on a décidé de se marier et surtout de lui prouver que notre couple se résume à moi, Thomas Rowan Hamilton et elle, Elsa Katty Adkins. Point. Il n'y a personne d'autre dans l’équation, pas d'O'Toole...C'est juste nous deux, pas nous quatre. Ca, elle le comprendra bientôt...je l'espère.

Lorsque je sortis de ma poche intérieure les enveloppes, je vis les yeux de ma belle blonde s'écarquiller. Elle avait sans doute compris. Après lui avoir demandé si elle souhaitait aller poser le deuxième cadenas sur le Pont des Arts, Elsa me sauta dessus en laissant échapper un "Oh mon Dieu !" qui m'arracha un rire clair et franc. J'avais tapé dans le mile. Comment avais-je pu douter une seconde que ça ne lui fasse plaisir ? C'est évident que ça allait lui plaire. L'Europe...C'est le rêve de toutes les Américaines...Comme l'Amérique, c'est le rêve de toutes les Européennes.
Elle m'entoura le visage de ses douces mains et m'embrassa passionnément. Baiser auquel je répondis par un 'bisou' sur le front
"Je...Tu sais que tu es le meilleur? Bien sûr que ça me dit !" Le sourire  au coin « Eh oui, je sais que je suis le meilleur. C’est pour ça que tu m’as choisi. » Toujours pleine d’émotion, ma fiancée laissa son rire cristallin raisonner avant de s’exclamer encore une fois."Tu es complètement fou !" Fou ? Non ! Juste extrêmement fière. Fière de voir ma fiancée si heureuse, si surprise. Ravi de voir que ça l’emplissait tant de bonheur. Fou…Je l’aurais peut-être été si je n’étais pas un Hamilton, si ma famille n’était pas si aisée et donc si je n’avais pas eu l’aide financière de mon père. Un salaire d’assistant ça rapporte…Mais pas assez pour ce genre de folies là…« Je me sens un peu bête là du coup, je pensais que tu m’inviterais au restaurant et finirais par me proposer de prendre un dernier verre chez toi.  Et là… Tu m’invites à aller à Paris ! » Je  fis mine de ranger les deux enveloppes dans ma poche « Oh, mais si tu préfères on peut aller au restaurant et prendre un verre à la maison. Mais il y a aussi de bons restaurants à Paris. Personnellement j’ai bien envie de goûter à la gastronomie française » Elle semblait avoir un peu repris ses esprits après ce tsunami d’émotions. Elle posa sa tête sur mon torse et je l’entourai tendrement de mes bras, la serrant doucement.  C’était ce genre de moment là que j’adorais. On semblait être seuls au monde, même si de nombreux couples se trouvaient autour de nous, en réalité on était seuls au monde. Juste elle et moi.

Les yeux d’Elsa se reportèrent sur moi et je lâchai doucement mon étreinte « Tu me permettras d’aller faire un bisou à Sweeney avant de partir ? Il va être trop jaloux ! Paris !! » Je levai les yeux au ciel avant de pousser un profond soupir. Franchement !? Mais qu’est-ce qu’on s’en fout qu’il soit jaloux ou pas. On n’a pas de compte à lui rendre. Pas besoin de lui dire où on va, quand, avec qui, pendant combien de temps… C’est dingue ! Elle n’a que ça à la bouche. Il faut faire quoi pour qu’elle ne pense plus à eux ? Ou…Lui…Car pour la première fois elle n’a pas mentionné les deux frères. Peu importe, c’est la même chose.

Je fronçai les sourcils et fis mine de ne pas avoir compris ce qu’Elsa venait de dire… Puis, un sourire forcé aux lèvres « Je t’accompagne, on ira demain matin juste avant de partir. On doit être à l’aéroport à 11h. » En l’accompagnant, je pourrai surveiller le maudit irlandais…et en y allant juste avant de devoir aller à l’aéroport ça me permettra de m’assurer qu’on ne s’attardera pas dans l’antre de l’homme des cavernes. Mais au fond, j’étais quand même frustré. Frustré parce que je ne voulais pas contrarier ma belle et que du coup ça me forçait à céder… J’avais l’impression que dans le couple, c’était toujours moi qui devait faire des efforts, me plier aux désirs d’Elsa…Alors qu’elle, elle ne semblait pas se rendre compte à quel point ça me coûtait.

M’arrachant à ma morosité, Elsa me prit la main en m’emmena devant le fameux grillage« Bon, monsieur génial, on l’accroche ce cadenas ou pas ? » Je m’exécutai, sortant le cadenas d’une de mes poches et l’accrochai au grillage. J’y avais fais graver nos deux prénoms d’un côté et de l’autre ‘Bientôt pour toujours’- un clin d’œil à nos épousailles.
Je plongeai ma main dans celle de ma fiancée avant de lui voler un baisé rapide. « On rentre ? Il commence à faire froid. » Froid…c’était relatif…Il faisait toujours un peu froid à Barrow. Mais le soleil commençait à se coucher et…Et à vrai dire le fait qu’elle n’ait pas pu s’empêcher de mentionner les O’Toole, m’avait carrément refroidit.

Je tentais cependant de cacher ma rancœur, tenant Elsa par la taille lorsque nous marchions vers ma voiture. Je déverrouillai les portes de l’Audi avant de m’arrêter et de fixer, l’air sérieux, ma fiancée. « Pourquoi tu veux absolument à aller voir les O’Toole avant notre départ ? » Oui c’était cash. Mais je ne voulais pas avoir ça sur le cœur tout le restant de la soirée. J’ai besoin de percer l’abcès et tant pis si ça nous amène à une énième dispute. « Je veux dire… On peut pas partir comme ça, sur un coup de tête ? C’est toi que je veux épouser, pas eux. Et pourtant, je ne peux rien faire pour toi, sans qu’eux soient au courant…On a pas d’intimité. Si un jour t’es enceinte, je suis certain qu'eux seront au courant avant moi. Tu sais … » Je lâchai Elsa du regard avant de pousser un soupir d'agacement et de me passer nerveusement les mains dans les cheveux« Laisse tomber, j’ai bien compris…C’est eux d’abord, moi après. » J’ouvris la porte de ma voiture et la claquai après m’être assis. J’attendais qu’Elsa me rejoigne à gauche – oui, la gauche c’est le côté passager dans cette voiture…conduite à droite oblige, souvenir de mes années londoniennes- le regard fixé sur la route, le moteur de l’Audi ronronnant déjà, je venais de gâcher le romantisme de la soirée...Quel imbécile je faisais.

Le regard noir que me lança Elsa après que j’ai eu le malheur de poser la fameuse question voulait tout dire. Peut-être que Nastia avait raison, peut-être que tous ceux qui parlaient sur notre couple avaient raison. J’avais toujours ignoré les rumeurs, préférant me voiler la face, préférant penser que les problèmes venaient uniquement des O’Toole… Mais Nastia m’avait fait remarquer que le problème ne provenait certainement pas d’une source unique… Elsa était tellement attachée à eux qu’il fallait constamment qu’elle aille se réfugier chez eux… Enfin chez un des deux…Parce que même si parfois on pourrait penser que les deux frères étaient un couple…Ils ne vivaient pas ensemble, du moins pas encore.

Que ça soit pour éponger ses larmes, ou pour y étaler sa joie… Il fallait qu’elle aille chez ce Sweeney ! C’est dingue. S’il y a bien un homme avec qui elle devrait vouloir partager ses malheurs et ses joies, c’est avec moi…Pas avec son homme des cavernes. « Excuses-moi d’avoir encore une fois mentionné mes amis, excuses-moi de vouloir partager mon bonheur avec eux. Et surtout excuses-moi de vouloir leur montrer à quel point tu me rends heureuse ! » Je poussai un sifflement d’agacement, avant de démarrer sans un regard pour la blonde. « T’as pas besoin de partager ton bonheur avec eux. C’est avec moi que tu dois le faire et t’as encore moins besoins de leur prouver à eux que t’es bien heureuse avec moi. T’as pas besoin de te justifier, si ? On dirait que je passe constamment un casting pour être le gendre idéal. » je laissai échapper un rire cynique « Comme s’ils étaient bien placer pour me juger. Entre un qui vit comme un homme des cromagnons et l’autre qui disparaît sans te dire pourquoi. Entre temps, c’est qui qui recollait les pots cassés ? C’est bibi ! » puis baissant la voix, m’adressant à moi-même « Il aurait mieux fait de rester dans son trou perdu celui-là »

Je roulais un peu plus vite qu’à mon habitude, exacerbé par notre dispute, mais surtout exacerbé par la source de cette dernière. Si je pouvais, je quitterais Barrow avec Elsa, sans un mot pour personne et je recommencerais ma vie ailleurs loin de tous ces problèmes. Il y a quelques mois, j’aurais été certain que ça aurait pu fonctionner… Mais aujourd’hui je n’en suis plus si sûr. Et si Nastia avait raison… Si le problème venait aussi d’Elsa ? Non…Elle avait tord ! Elsa avait eu mille fois l’opportunité de sortir avec un O’Toole avant de me connaître…Si elle ne l’avait pas fait, c’est qu’elle ne le voulait pas, elle n’était pas attirée par eux… Et les rumeurs je les emmerde. Enfin…J’aimerais bien.

J’entendis Elsa pousser un soupire, puis sa main se posa sur la mienne et elle rompit le lourd silence qui s’était installé dans l’habitacle. « Thomas, c’est toi que j’aime et c’est avec toi que je veux faire ma vie. J’en ai marre que tu sois toujours en train de penser que les garçons passent avant toi. C’est pas vrai d’accord ?! » Sur les derniers mots, sa voix s’était faite légèrement plus stridente, comme si elle voulait à la fois m’en convaincre et s’en convaincre elle-même. Je savais qu’elle m’aimait… Et pourtant je doutais de la sincérité de ses dernières paroles. Je passais vraiment en premier ? C’est dingue… C’est vrai je réagis comme un gamin… Mais en temps normal, elle n’aurait même pas eu besoin de se justifier…Enfin si les O’Toole n’existaient pas.

Je ralentis légèrement la course de la voiture, inutile de prendre des risques sur la route enneigée. « Si c’était si explicite, tu serais pas entrain de te justifier en ce moment, non ? » Je poussai un soupir avant de me rendre compte à quel point mes paroles pouvaient être blessantes. J’étais rude avec elle…Juste parce que j’étais en réalité blessé…J’avais peur de la perdre, parce qu’elle et moi ça a toujours été une évidence, ça a toujours été si simple. Puis il y a les O’Toole qui sont rentrés dans l’équation…Et même si je ne les ai jamais apprécié, pour elle, j’ai fais des efforts…Mais je n’en peux plus. Il y a tellement de gens qui parlent…Mais je n’en prenais pas compte, pensant que c’était des jaloux…Mais il n’y a pas de fumée sans feu, non ? « Je t’aime aussi Elsa… Et c’est pour ça que je réagis comme ça. Si je ne t’aimais pas, ça me ferait ni chaud ni froid de savoir que deux imbéciles te tournent autour. Mais c’est pas le cas. Sérieusement, tu n'te rends compte de rien ?» J’avais l’impression que la tension était un peu retombée…Même si en soi, je n’étais pas totalement calmé et que je savais que le problème n’était malheureusement pas encore réglé.

J’engageai la voiture dans une petite route sinueuse qui menait à South Meadow. « Et puis aujourd’hui c’est la St Valentin, on est vraiment obligés de se prendre la tête comme ça ? » Non…On était pas obligé…Et j’avais tellement voulu éviter une énième dispute…Mais il semble que ça ne soit pas possible. Je ne voulais pas partir à Paris avec toute cette rancœur pour qu’elle explose là-bas et que je gache notre week-end en amoureux.
Je garai la voiture sur le bas côté avant d’arriver à une intersection. Soit nous tournions à gauche et nous rejoignions South Meadow et l’antre d’un des O’toole. Soit nous allions à droite et nous prenions la direction du centre ville. « Ok. On arrête de se prendre la tête, mais je veux que tu sois 100% sincère avec moi. » Alors que j’avais plutôt mal pris les conseils de Nastia à propos de la manière dont je devrais gérer mes problèmes de couple…Je m’apprêtais à faire ce qu’elle m’avait dit de faire : Une conversation entre quatre yeux. « Entre toi et eux, c’est juste de l’amitié. Il n’y a jamais rien eu de plus et il n’y aura jamais rien. » J’avais l’impression de lui poser une question rhétorique, sachant pertinemment la réponse…Mais au fond j’avais besoin de m’assurer que non, je ne me voilais pas la face…C’était toutes les commères de Barrow qui avait tords. « Si tu devais choisir entre eux et moi. Ca serait qui ? J’ai besoin que tu sois sincère, Elsa.. »
Je me souvenais des paroles que m’avaient dites Nastia concernant ce fameux choix. Elle doutait qu’Elsa me choisisse…Mais elle ne connaissait pas ma fiancée, elle devait sans doute être jalouse c’est tout. Pourtant…Malgré tout, ça avait eu le don d’ébranlé légerement mon assurance vis-à-vis de ça…Et si elle les choisissait eux ?

Une famille… Ces deux bouseux étaient pour Elsa comme deux frères…C’était bien ça le problème. On ne peut pas éliminer la famille de la vie de celle qu’on aime. On doit faire avec. La plupart du temps, je respecte totalement ça et tout le monde c’est qu’avec la belle famille ce n’est jamais très facile…
Mes sœurs –surtout la cadette- sont le parfait exemple d’une belle-famille désagréable. Elles ne sont pas méchantes…Mais ne se lassent pas de faire des remarques sur Elsa, sur son côté un peu garçon manqué, son travail « d’étudiante » -oui pour elles vendeuse, c’est pas un boulot digne. Enfin…Je sais qu’elles disent ça parce qu’elles sont un peu taquine… Et ma cadette est surtout jalouse de partager son grand frère. Ca leur passera quand on sera marié.
Pourtant, mes sœurs n’ont rien à voir avec les O’Toole. Pourquoi ? Parce que mes sœurs bah…Ce sont mes sœurs ! Il n’y a pas et il ne pourra jamais avoir ambiguïté. En revanche, même si Elsa tente sans cesse de se convaincre que les O’Toole sont comme des frères pour elle, je ne suis pas certain que cette relation soit réciproque pour eux…Et c’est bien ça le problème.  

Impossible de continuer à me lever tous les jours dans le brouillard, l’humeur morose à cause de deux imbéciles qui souhaitent qu’une chose: La mort de mon couple. Il fallait qu’on ait cette discussion. Parce qu’au fond, depuis la remarque de Nastia sur Elsa, j’avais grand besoin d’être rassuré par ma fiancée, être certain que pour elle, il n’y avait que moi…Être certain que Nastia se trompait belle et bien. La suédoise ne connaissait pas ma fiancée, elle se basait sur…Sur quoi d’ailleurs ? Des rumeurs ? Des ragots ? Ca ne vaut rien ! Pourtant, malgré le fait que je m’étais depuis longtemps convaincu qu’Elsa ne me cacherait rien, qu’elle ne me tromperait jamais. Aujourd’hui, j’avais besoin d’une confirmation… Juste pour calmer les tensions, pour repartir sur de bonnes bases.

J’avais coupé le moteur de la voiture, et déjà Elsa me fixait de ses grands yeux bleus. « Bien… Tu veux que je sois franche ? Je n’ai pas envie d’avoir à choisir. Sweeney et Oney sont mes amis, rien que des amis, de longue date et avec qui j’ai développé une relation fusionnelle, mais il n’y aura jamais rien d’autre que de l’amitié entre nous. » J’avoue que sur le moment, j’avais un avis un peu mitigé sur cette réponse. Oh oui j’étais ravi d’apprendre qu’entre elle et les irlandais il n’y avait jamais rien eu d’autre que de l’amitié. Mais en soit, je n’avais jamais douté d’Elsa…Enfin jusqu’à ce que Nastia me dise qu’elle devra un jour faire un choix et qu’elle ne me choisira certainement pas moi.
D’où mon avis mitigé : Elle n’avait pas voulu répondre entièrement à ma réponse. Elle n’a pas fait ce fameux choix…Aussi hypothétique soit-il.
Je m’apprêtai à reprendre la parole, lorsqu’Elsa me coupa dans mon élan. « Et si vraiment, tu m’obliges à choisir, à départager… Et bien Thomas, dis toi que j’ai déjà fait mon choix. Tu n’as qu’à regarder à côté de qui je suis assise à l’instant. » Elle venait de lire dans mes pensées.  Je ne pus m’empêcher de laisser se dessiner un large sourire. Les battements de mon cœurs s’étaient accélérés et pour la première fois, ce n’était ni de l’agacement, ni de l’anxiété. Non c’était de la fierté avec un mélange d’excitation. Anastasia avait tord ! Elle avait tord ! Elsa venait de faire son choix…Enfin il était théorique et elle n’avait pas dû devoir départager en présence des O’Toole et de moi…M’enfin on était plus à la maternelle. L’important c’est qu’elle avait fait son choix et que désormais je sais que si je dois évincer les O’Toole de notre vie, elle sera déçue, mais elle me pardonnera car je suis son choix.

Je me penchai vers ma fiancée, lui susurrant à l’oreille « Je le savais » C’était une moitié de mensonge…Certes…Mais ce n’était pas totalement faux. Avant d’attendre sa réponse, je lui déposai un baisé passionné sur ses douces lèvres, tout en détachant ma ceinture, histoire de n’être pas à moitié étranglé lorsque j’embrassai ma future femme.
Je pourrais paraître en apparence lunatique... En réalité j'étais juste perdu et en quelques phrases, Elsa venait de me réorienté.